lundi 24 septembre 2012

VI.


Ce que je vis de Tijuana ressemblait à ce que j'en attendais. L'activité était frénétique et permanente. Je connais ces ambiances latines où l'on vit autant sinon plus sur les trottoirs que dans les maisons. 
- Comme je te l'ai expliqué amigo, on va s'installer chez un cousin. Il a une maison tranquille dans un quartier bourgeois. C'est une très belle maison. Avec piscine.
Je ne me souvenais pas qu'il m'ait expliqué tout ça mais peu importait. J'avais besoin d'un endroit calme pour écrire et préparer mes sorties.
- On a la maison pour nous. Le cousin est parti pour un moment.
Je l'interrogeai du regard.
- Il est en prison. C'est une injustice bien sûr.
- Bien sûr, dis-je. Tu as beaucoup de cousins en prison ?
- Non. Mais assez pour t'en faire rencontrer quelques uns.
Rafael ralentit la voiture devant une large porte de bois qui s'ouvrit automatiquement devant nous. Nous passâmes le porche et entrâmes dans une cour couverte de gravier et dans laquelle trônaient une Porsche, une Acura et un SUV Mitsubishi noir aux vitres teintées. Deux hommes aussi larges que hauts nous attendaient devant une longue maison blanche.
- Tes cousins je suppose ?
- Non, des amis d'enfance.
Rafael descendit du pick-up. Je fis comme lui. Il alla vers les deux hommes qui n'avaient pas bougé et les serra dans ses bras. Je m'approchai et leurs tendis la main. Ils la serrèrent en souriant.
- Bienvenido francés !
- Gracias.
- Je te présente Hector et Jaime. Ce sont des jumeaux, comme tu peux le voir.
Ils ne se ressemblaient pas du tout mais je ne dis rien.
- Ils vont nous accompagner partout où nous irons. C'est plus sage.
Nous entrâmes dans la maison. C'était un plain-pied sans décoration mais meublé comme dans un magazine. De grands murs blancs et, dans le salon, une immense baie vitrée qui donnait sur la piscine.
- C'est une piscine olympique ? demandai-je mais personne ne répondit.
- Tu as la grande chambre, par là, m'indiqua Rafael.
Je le suivis et vins déposer mes affaires dans une chambre aussi grande que mon appartement de Beverly Glen. Là aussi j'avais droit à une immense baie vitrée avec vue sur le bassin.
Ça ira pour toi ?
Je fis oui d'un signe de tête. Et ressortis.
- Tu veux te reposer ? Tu veux manger ?
- Non ça va. Toi ?
- Je vais manger quelque chose. Ici la nourriture est exceptionnelle. Tout est préparé par une femme qui cuisine mieux que les meilleurs chefs français ! Et puis c'est de la vraie nourriture, celle qui tient au corps.
Nous allâmes dans la cuisine où un festin nous attendait. Rafael mangea. Des tortillas remplies de haricots et de viande avec quelques piments qu'il accompagna de deux ou trois bières.
- C'est toujours toi qui va conduire ?
- Ne t'inquiète pas. Je ne suis pas bourré. Il m'en faut plus.
Je ne mangeai pas. Je retournai dans la chambre préparer mon matériel. On allait partir. Je m'allongeai sur le lit en attendant que Rafael finisse son goûter. Il vint me chercher une demi-heure plus tard.



mercredi 19 septembre 2012

V.


Après le passage, nous roulâmes quelques centaines de mètres dans une file dense sur une espèce d'échangeur d'autoroute. Rafael engagea alors la voiture sur une sortie pour arriver sur le parking d'un mall exclusivement composé de restaurants rapides. Il rangea la voiture près d'un énorme pick-up bleu devant lequel se tenait l'homme le plus gros que j'ai vu de ma vie. Rafael sortit de la voiture et vint serrer dans ses bras l'homme dont les cheveux plaqués en arrière semblaient être maintenus grâce à un litre entier de gel. Ils se parlèrent en espagnol mais si bas que je n'entendis pas. Rafael se tourna vers moi et me présenta le gros.
- C'est Flaco, mon cousin.
Je souris car je parle espagnol et je connaissais le sens du mot flaco.
- Flaco ?
- C'est ironique, précisa Rafael.
Flaco me fit un signe de tête sans rien dire.
- Flaco va garder la voiture et nous on va prendre la sienne.
Je remerciai Flaco. Nous transférâmes nos bagages dans le pick-up. Rafael reprit le volant. Je ne dis rien  et me mis à vérifier quelques paramètres de mon boitier photo. C'était le début de l'après-midi et nous étions déjà fatigués. Malgré le système de climatisation de la voiture, nous sentions la chaleur sur nos corps et je transpirai un peu. Rafael me parla de sa famille, surtout de ses enfants. Je l'écoutai distraitement.

lundi 17 septembre 2012

IV.


Une file d'attente commençait à se former. Nous n'avancions plus aussi vite. Beaucoup de camions et de voitures avec des plaques mexicaines. Dans le pick-up d'à côté, une enfant me souriait et me tendait une sorte de peluche. Je lui souriait à mon tour. Elle me tira la langue et dut dire quelque chose que je ne pouvais entendre car sa mère (je supposai qu'elle était sa mère), se tourna vers elle et, jetant un un rapide coup d'oeil vers moi, se mit à lui parler aussi et lui prit la peluche des mains. Nous avançâmes d'un cran et je les perdis de vue.
- N'ouvre pas la fenêtre amigo. Surtout pas. C'est un peu dangereux de faire ça.
- A cause des agressions ?
- Non amigo, à cause de la pollution !
Rafael se mit à rire. Très fort. Le passage de la frontière se fit assez facilement. Je vis Rafael faire signe à un douanier côté mexicain qui nous gratifia d'un pase pase. Nous étions donc au Mexique. Ce n'était pas la première fois pour moi mais pas dans ces conditions.
- Le douanier, tu le connais ?
- C'est un cousin, répondit Rafael.

lundi 3 septembre 2012

III.


La nuit fut courte mais je dors toujours très peu alors j'étais quand même en forme au réveil. A l'aéroport, première mauvaise surprise : le vol US Airways de 7h43 était annulé et on nous avait d'office replacé sur le vol suivant qui partait après 10h00.
- J'aurais pu dormir deux heures de plus, dit Rafael qui lui avait besoin de plus de sommeil que moi.
- Tu as lu le mémo que je t'ai fait sur mon projet ?
- Oui. Oui. Ne t'inquiète pas. On ira où tu veux aller. Ce qui est dommage, c'est qu'on n'ait pas le temps de passer par La Jolla... J'ai une bonne amie qui nous aurait accueilli.
Son visage de nuit trop courte m'arracha un sourire.
- Quand j'aurais fini, tu iras où tu voudras.
- Eh je disais ça pour toiÇa fait combien de temps que tu n'as pas... euh tu vois quoi...
- Pour ça non plus ne t"inquiète pas.
J'ai été marié deux fois. La première fois en France pendant un an. Ce fut horrible. La seconde fois aux Etats-Unis. Ce fut horrible aussi. mais cela m'a permis de m'installer dans ce pays.
Le vol dura moins d'une heure. Rafael avait déjà réservé la voiture à l'agence Avis, si bien que nous fûmes en route pour la frontière avant midi.
- En une demi-heure on y est tu sais. Je mangerais bien un morceau moi. Je me suis levé tôt. Je connais un endroit à Chula Vista... Et puis ça te mettra dans l'ambiance.
- Tu connais vraiment des endroits et des gens partout sur cette route toi.
- C'est pour ça qu'on m'embauche man !
La route était pleine à craquer. Dans l'autre sens, c'était pire. A Chula Vista, Rafael s'arrêta dans un mall.
- C'est là ton restaurant typique mexicain ?
- Ouais.
Nous entrâmes dans le centre commercial et il m'emmena directement au food court. Il se dirigea vers un Taco Bell et se tournant vers moi, me sourit.
- Tu plaisantes ? dis-je.
- Non, c'est le meilleur endroit, crois-moi.
- On en a vu plein sur la route des Taco Bell...
- Oui mais j'aime bien celui-là.
Rafael commanda pour nous deux et nous nous installâmes sur des sièges en plastique fixés au sol.
- J'espère pour toi que le reste ne sera pas comme ça.
- Qu'est-ce que tu dis amigo ?
- Je ne veux pas d'endroits trafiqués pour touristes à deux balles. J'ai besoin de rencontrer d'authentiques frontaliers. Tu le sais ça ?
- Ne t'inquiète pas amigo, Tu verras, tu seras très content.
Le doute m'envahit néanmoins. Sous un ciel bleu comme l'océan à la télé, nous reprîmes la route.
- La frontière est là, dit Rafael.